Le paradoxe est cruel. Gianluigi Donnarumma a remporté la Ligue des champions avec le Paris Saint-Germain au printemps, il a disputé la finale de la Coupe du monde des clubs en juillet contre Chelsea… et pourtant, son avenir au Parc des Princes semble désormais derrière lui.
À 26 ans, le gardien italien vit l’un de ces tournants que seul le football moderne sait produire : célébré pour ses arrêts décisifs quelques semaines plus tôt, mais jugé incompatible avec la direction que veut prendre son club.
Une rupture brutale
Le ton s’est durci en quelques jours. Alors que ses représentants évoquaient encore une prolongation cet été, Donnarumma a publié un communiqué où il confiait sa déception.
« Quelqu’un a décidé que je ne faisais plus partie du projet et que je ne pouvais plus contribuer au succès de l’équipe. » Une phrase lourde, symbole d’un divorce désormais acté.
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Son agent, Enzo Raiola, s’est montré encore plus direct en Italie : selon lui, le joueur avait accepté une baisse de salaire pour prolonger, avant que le club ne change les termes de la négociation. « Retirer Gigio du projet après tout ce qu’il a apporté, c’est un manque de respect énorme » a-t-il lâché, évoquant même une possible action en justice.
Face à ces critiques, Luis Enrique a assumé devant la presse. L’Espagnol n’a pas mis en doute la valeur du joueur, au contraire. « Gigio est l’un des meilleurs gardiens au monde et un homme exceptionnel. Mais nous recherchions un profil différent. »
Le problème n’est pas l’arrêt, mais la relance
Tout est là. Personne ne conteste les qualités de Donnarumma sur sa ligne. Son parcours le rappelle : champion d’Europe avec l’Italie en 2021, vainqueur de la C1 en 2025, auteur de parades spectaculaires face à Arsenal en demi-finale européenne.
Sa lecture des un-contre-un, ses réflexes dans la surface et sa capacité à se transcender dans les grands rendez-vous en font encore aujourd’hui un gardien de tout premier plan. Mais à Paris, le problème n’est pas de sauver des ballons. C’est d’en faire circuler.
Luis Enrique veut un gardien qui participe à la construction, qui s’avance hors de sa surface pour créer un surnombre, qui ose casser les lignes de passe sous pression. Or, Donnarumma, s’il sait jouer court et propre avec ses défenseurs, n’a jamais eu cette inclination naturelle.
Sa première intention reste la sécurité, quitte à allonger le jeu et à contourner le pressing adverse. Dans une équipe qui revendique plus de 68 % de possession en moyenne la saison passée, cela crée une limite tactique.
Lucas Chevalier, incarnation d’un nouveau cycle
Pour dépasser cette limite, Paris a fait venir Lucas Chevalier. À 23 ans, l’ancien portier du LOSC s’est imposé comme l’un des gardiens les plus complets de Ligue 1.
Capable de sortir très haut pour participer au jeu, précis dans ses transmissions vers les latéraux comme dans ses passes verticales vers le milieu, il incarne parfaitement le profil recherché par Luis Enrique.
Chevalier n’est pas seulement un « bon relanceur ». Il est ce onzième joueur de champ qui permet d’installer l’équipe plus haut, de dominer territorialement et d’attaquer plus tôt.
Dans les airs, il compense sa taille inférieure (1,88 m contre 1,96 m pour Donnarumma) par une agressivité et une lecture des trajectoires qui rassurent sa défense.
L’évolution du poste
Le cas Donnarumma illustre une réalité du football moderne : le rôle du gardien ne se résume plus à défendre sa ligne. On attend désormais de lui qu’il soit aussi un playmaker, un « sweeper » et un garant de la maîtrise collective.
Le PSG, en quête de contrôle total, a choisi de privilégier ce profil au détriment de l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’arrêt pur.
Cela ne signifie pas que Donnarumma est fini. Au contraire, il reste une référence absolue pour tous les clubs qui privilégient la solidité défensive à la possession à outrance.
Son palmarès parle pour lui : plus de 300 matchs professionnels, champion d’Europe, champion d’Europe des clubs, et seulement 26 ans. Dans un environnement où les relances lui seraient simplifiées, il pourrait redevenir l’atout ultime.
Et maintenant ?
La question est donc de savoir qui voudra – et pourra – se positionner. Son salaire et l’indemnité demandée par Paris refroidiront plus d’un candidat, mais le profil de l’Italien correspond parfaitement à des clubs qui cherchent avant tout un mur derrière leur défense.
L’Angleterre paraît la destination la plus probable : certains clubs de Premier League, moins obsédés par la relance courte que le PSG, pourraient voir en lui une garantie immédiate de points sauvés. Son agent a d’ailleurs glissé que « seuls les clubs anglais ont les moyens financiers de répondre aux demandes du PSG. »
En définitive, le départ de Donnarumma du PSG n’est pas une condamnation de ses qualités, mais un symbole de la mutation tactique du poste de gardien.
À Paris, on a choisi la construction avant la préservation. Reste à savoir quelle grande équipe européenne choisira, elle, de miser sur le gardien qui arrête tout.
Source : Article adapté et traduit à partir d’un contenu publié dans The Athletic

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