À peine installé sur le banc de Manchester United, Ruben Amorim vit déjà ce que beaucoup de ses prédécesseurs ont enduré : un club transformé en théâtre permanent, où chaque faux pas devient un scandale national. Comme dans un Truman Show grandeur nature, tout est scruté, amplifié, commenté.
Trois matchs sans victoire, une élimination précoce en Coupe de la Ligue face à Grimsby (D3 anglaise), et déjà la pression s’abat sur le Portugais, présenté comme l’homme du renouveau.
Le parallèle avec Jim Carrey, prisonnier malgré lui dans une émission de téléréalité, n’est pas fortuit. Amorim n’est pas seulement entraîneur : il est acteur malgré lui d’un spectacle planétaire qui dépasse largement le cadre sportif. À Old Trafford, le poste d’entraîneur n’est pas une fonction, c’est une exposition totale, avec ses excès, ses critiques et ses emballements.
Une entrée en matière difficile
Le scénario de son début de saison est cruel. Défaits aux tirs au but contre Arsenal lors du Community Shield, piégés par Fulham, incapables de battre Grimsby : United n’a toujours pas gagné en trois rencontres. Le tout dans un contexte où Manchester City continue de briller et où les comparaisons sont inévitables. « Grimsby, c’est la limite », aurait lâché Amorim, conscient du tollé suscité par ce revers.
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À peine la défaite digérée, la machine médiatique s’est emballée. Commentateurs, consultants, anciens joueurs : tous y sont allés de leur avis. Fallait-il déjà envisager un nouveau changement de coach ? Devait-on parler d’erreur de casting ? À Manchester, ce genre de débat surgit après chaque contre-performance, aussi précoce ou insignifiante soit-elle.
Le carrousel des entraîneurs depuis Ferguson
Ce climat d’urgence permanente n’est pas nouveau. Depuis le départ de Sir Alex Ferguson en 2013, aucun entraîneur n’a trouvé la formule magique. David Moyes, Louis van Gaal, José Mourinho, Ole Gunnar Solskjær, Ralf Rangnick puis Erik ten Hag : tous se sont heurtés à cette machine infernale. La comparaison avec Ferguson, dernier manager à avoir offert un titre de champion en 2013, écrase tout.
Comme Van Gaal avant lui, Amorim a dû constater l’ampleur de la tâche : un club mondialement scruté, où chaque phrase pèse, où chaque statistique est disséquée, où la notion même de patience n’existe plus. La gloire passée, les attentes commerciales, la frénésie médiatique : tout concourt à faire d’Old Trafford une cocotte-minute où aucun entraîneur ne sort indemne.
Une pression commerciale et symbolique
Le malaise dépasse le terrain. Sous l’ère des Glazer puis désormais avec l’arrivée de Sir Jim Ratcliffe, Manchester United est autant une entreprise qu’un club de football. La marque est planétaire, générant des centaines de millions de livres de revenus. Chaque contre-performance impacte l’image, chaque succès devient une campagne marketing. Amorim, comme ses prédécesseurs, doit jongler entre performance sportive et obligations symboliques.
Dans ce contexte, le rôle de manager ressemble à un exercice impossible. Les supporters réclament la victoire immédiate, les sponsors veulent des résultats constants, et les médias scrutent la moindre maladresse. « Amorim est toujours observé, analysé, jugé, quelle que soit la portée réelle de ses actes », note un observateur du club.
Un avenir déjà questionné
Alors qu’United s’apprête à disputer son quatrième match de championnat, la question se pose : Amorim survivra-t-il à ce tumulte permanent ? Sur le plan tactique, l’ancien coach du Sporting Lisbonne reste fidèle à ses principes : pressing haut, transitions rapides, confiance aux jeunes. Mais la patience existe-t-elle encore dans un club où chaque semaine devient un référendum sur la légitimité de l’entraîneur ?
L’histoire récente incite à la prudence. Peu d’entraîneurs ont résisté à plus de deux saisons depuis Ferguson. Et les supporters, nourris au souvenir des années fastes, oscillent entre nostalgie et colère.
Une mission quasi impossible
Ruben Amorim savait que le défi serait immense. Mais il découvre peut-être à quel point il est unique. À Manchester United, les erreurs sont inévitables, mais elles ne sont jamais tolérées. Les projecteurs transforment chaque faux pas en catastrophe, chaque hésitation en crise.
Pour s’imposer, il devra non seulement redonner une identité de jeu, mais aussi apprivoiser le monstre médiatique et commercial qu’est devenu United. Une mission où même les entraîneurs les plus chevronnés ont échoué. Le Portugais n’est encore qu’au début de son aventure, mais déjà, il apprend que, dans ce club, l’essentiel n’est pas seulement de gagner : c’est de survivre.
Source : Article adapté et traduit à partir d’un contenu publié dans The Guardian

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